Crudivorisme ou alimentation vivante : qui l’eut cru ?
Après le végétarisme, le végétalisme, le flexitarisme… le crudivorisme ?
Vous êtes perdu derrière tous ces termes, l’équipe Miam vous propose d’y voir un peu plus clair…
Commençons par le commencement et mettons un peu d’ordre dans nos idées en ouvrant notre dictionnaire :
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Végétarisme : régime alimentaire excluant toute chair animale (viande, poisson) mais qui admet en général la consommation d’aliments d’origine animale comme les œufs, le lait et les produits laitiers.
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Végétalisme : régime alimentaire excluant tout aliment d’origine animale mais contrairement au végétarisme, il exclut les œufs, les produits laitiers et le miel.
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Véganisme : mode de vie alliant une alimentation exclusive par les végétaux (végétalisme) et le refus de consommer tout produit (vêtements, chaussures, cosmétiques…) issu des animaux ou de leur exploitation.
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Pesco-végétarisme ou pescétarisme : variante du végétarisme qui exclut uniquement la viande.
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Flexitarisme ou semi-végétarisme : pratique alimentaire semi-végétarienne qui consiste en une alimentation globalement végétarienne mais qui se veut plus souple. En effet, le flexitarien aura tendance à être végétarien dans sa pratique quotidienne mais dans des situations particulières comme des repas à l’extérieur, il peut être amené à consommer de la viande ou du poisson.
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Crudivorisme : théorie selon laquelle l’homme ne doit se nourrir que d’aliments crus.
Ainsi, si l’on se fie strictement à la définition du crudivorisme et selon Sylvie Tostivint, spécialiste de ce type d’alimentation, le crudivorisme n’implique pas forcément le végétarisme et encore moins le végétalisme. Le crudivore peut donc manger de la chair animale (viande ou poisson) sous forme de carpaccios, tartares…
Il est donc important de distinguer crudivorisme et alimentation vivante qui est une pratique légèrement différente car elle sous-entend que les aliments doivent être ingérés « vivants ». Consommation de chair d’animaux crue et alimentation vivante sont donc incompatibles.
Enfin, le crudivorisme ou raw-foodisme (« alimentation brute ») consiste à se nourrir exclusivement d’aliments crus, les moins transformés possibles, mais pas forcément froids, la température ne devant pas excéder 48°C.
Par la suite et pour éviter toute confusion, je ne parlerai plus que d’alimentation vivante.
D’où vient cette pratique alimentaire ?
L’alimentation vivante existe depuis bien longtemps même si des personnalités célèbres la remettent depuis peu au goût du jour.
A Boston, Ann Wigmore fut une des premières à prôner ce type d’alimentation. Atteinte d’un cancer du sein, elle refusa les traitements médicaux proposés et concentra ses efforts dans une alimentation de type « alimentation vivante ». Ayant vaincu le cancer, elle attribua sa guérison à son alimentation. Elle fonda par la suite la Fondation Hippocrate, centre reconnu internationalement où elle prônait également la consommation régulière de jus d’herbe de blé et de graines germées.
Et bien avant elle, au IIème siècle avant JC, les Esséniens, communauté juive, s’alimentaient déjà de cette façon. Ils étaient, selon les écrits, végétariens et consommaient leurs aliments non transformés, à l’exception d’un pain qu’ils cuisaient à basse température.
Quels sont les arguments avancés par les adeptes de l’alimentation vivante?
L’alimentation vivante est basée sur le principe que seul l’homme cuit sa nourriture pour la manger. La cuisson n’est donc pas un procédé nécessaire, elle serait même potentiellement nocive. En effet, la cuisson détruit les vitamines thermosensibles, les enzymes contenues naturellement dans les végétaux ainsi que la chlorophylle.
Adopter l’alimentation vivante aurait des répercussions positives sur notre santé par apport de substances bénéfiques en grandes quantités que sont les enzymes végétales, les vitamines et minéraux ainsi que la chlorophylle : regain d’énergie, amélioration de la concentration, atteinte d’un poids idéal, meilleur teint, traits reposés, meilleure endurance physique…
Ce type d’alimentation aurait également des vertus curatives dans le cadre de certaines maladies qui seraient liées à notre mode de vie contemporain comme le cancer, les maladies cardio-vasculaires, les anomalies lipidiques, le diabète…Elle aurait ainsi le pouvoir de nous faire vivre plus longtemps et en meilleure santé.
Les enzymes, clef de voute du régime crudivore :
L’argument principal des défenseurs de l’alimentation vivante est que les enzymes contenues dans les végétaux aideraient notre organisme à digérer les aliments ingérés et ainsi « épargner » notre stock d’enzymes digestives.
En effet, les végétaux contiennent naturellement des enzymes qui permettent leur croissance ainsi que le bon déroulement de leurs cycles. Les enzymes sont des protéines qui permettent d’accélérer ou de faciliter une réaction chimique. Par exemple, la banane contient une amylase qui va permettre sa maturation en transformant l’amidon qu’elle contient en glucose.
Que mange-t-on lorsque l’on « pratique » l’alimentation vivante ?
Principalement des produits non transformés crus ou cuits (jusqu’à 48°C). La fermentation et la germination peuvent être utilisées :
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Des végétaux crus ou séchés : entiers, en morceaux, sous forme de jus (facilite la digestion par broyage des fibres) ;
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Des graines, légumineuses et céréales germées ;
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Des végétaux lactofermentés (kéfir de fruits ou de légumes par exemple) ;
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Du jus d’herbe de blé : fait à partir d’herbe issu de la germination du blé, on lui prêterait de multiples vertus (apport important en vitamines et minéraux), détoxination et désinfection de l’organisme ;
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Du miel ;
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Des algues ;
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Des huiles végétales pression à froid…
Il existe de plus en plus de livres de recettes crudivores mais aussi de restaurants dédiés à cette cuisine.
Que penser de ce type d’alimentation ?
Les enzymes sont des protéines. Comme le mettent en avant les adeptes du crudivorisme, la cuisson dénature les enzymes contenues dans les végétaux. Mais les protéines sont également très sensibles à l’acidité.
Il parait donc difficilement envisageable que les enzymes végétales puissent résister à la grande acidité de l’estomac et parvenir intactes jusqu’à l’intestin pour aider nos propres enzymes à digérer les aliments.
D’autre part, au même titre que le végétarisme ou encore plus, le végétalisme, ce type d’alimentation peut générer des carences notamment en vitamine B12, vitamine D, calcium ou zinc.
Remarque : La possibilité de carences en vitamine B12 et en vitamine D est plus faible dans le cadre du crudivorisme.
La consommation d’aliments crus permet d’atteindre plus facilement la satiété puisqu’il est nécessaire de les mastiquer plus longtemps. De plus, les végétaux crus ont une densité énergétique faible c’est-à-dire qu’ils apportent peu de calories aux 100 g. Ils apportent par contre quantités d’éléments intéressants comme des vitamines, des minéraux, des antioxydants…
Et la cuisson : est-ce si mauvais pour la santé ?
Déjà, il y a cuisson et cuisson. S’il est reconnu que les cuissons à haute température comme les fritures altèrent les aliments et peuvent être potentiellement cancérigènes, il n’en est rien des cuissons plus douces. Il est certain que la cuisson détruit certaines vitamines dites thermosensibles comme la vitamine C.
Elle est néanmoins intéressante pour améliorer la digestibilité des aliments en ramollissant les fibres qui peuvent être irritantes pour les intestins et elle permet la destruction de micro-organismes pathogènes.
Elle permet aussi d’augmenter la biodisponibilité de certains nutriments comme le lycopène des tomates ou le bêta-carotène des carottes.
La cuisson des légumes crucifères que sont les choux, le brocoli… permet d’éliminer en partie les glucosinolates qu’ils contiennent et qui bloquent la production d’hormones thyroïdiennes. Enfin, elle permet de détruire une partie de l’acide oxalique contenu dans les légumes verts à feuille comme les épinards et qui empêche l’assimilation de certains composés comme le fer, le magnésium ou le calcium.
Pour conclure !
Il est fortement recommandé d’intégrer les végétaux crus dans son alimentation quotidienne car ils sont un des éléments clefs d’une alimentation équilibrée.
La variété semble toutefois être la garante d’une santé optimale. L’alimentation vivante, bien qu’ayant de nombreux avantages, reste une alimentation relativement restreinte dans sa composition. Nous vous rappelons également que l’alimentation équilibrée « traditionnelle » reste celle préconisée notamment pour les populations plus fragiles telles que les enfants, les adolescents, les femmes enceintes et allaitantes ainsi que les personnes âgées. Ces populations ont des besoins nutritionnels bien spécifiques et certaines pratiques alimentaires restrictives peuvent avoir des conséquences négatives sur leur santé en entraînant des carences.
Chacun est bien sûr libre d’adopter l’alimentation de son choix. Le meilleur conseil que nous pourrions donner ici est de bien s’informer avant de modifier radicalement son alimentation.
Il peut être judicieux dans telle démarche de se faire accompagner par son médecin et par un professionnel de santé spécialisé en nutrition.
N’hésitez donc pas à consulter un diététicien ou une diététicienne.
Article rédigé par Alexandra Mériaux, diététicienne – nutritionniste à Carcassonne et membre Miam.
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